Vagabondages ligériens entre amis (3)

 

Hôtel Le Plantagenêt - Chinon - © touraineloirevalley.com
Hôtel Le Plantagenêt – Chinon – © touraineloirevalley.com

C’est ce qu’on appelle un « plantage »…

Porter le nom de « Plantagenêt » n’est pas un choix anodin, surtout aux confins de la Touraine et de l’Anjou. Henri II, investi du trône d’Angleterre en 1154, avait réussi en une décennie à réunir sous son autorité les duchés de Normandie et d’Aquitaine, les comtés d’Anjou, du Maine et du Poitou et bien sûr le royaume d’Angleterre. Son corps, ainsi que celui de son fils Richard Cœur de Lion, repose encore dans la merveilleuse et toute proche abbaye de Fontevraud. C’est dire si le personnage et la dynastie à laquelle il appartient sont célèbres dans la région.

Est-ce parce qu’il est décédé à Chinon qu’un hôtel de la cité de Rabelais a décidé par son identité de lui rendre hommage ? On peut l’imaginer. Toujours est-il que la seule fausse note de notre week-end se tramera là, au sein des murs de cet établissement, qualifié par ses propriétaires « de charme », et dont une grande partie des installations se montre indigne du rang affiché. Présenter sous une même enseigne trois bâtiments en prenant soin de ne montrer sur le site que les quelques chambres les plus attractives de l’un d’entre eux s’apparente à une forme d’escroquerie. Certains de nos membres en ont été victimes, malgré toutes les énergies déployées pour lutter contre la sinistre manœuvre qui consiste à placer les dindons de la farce (nous) devant le fait accompli.

De charme, il n’a jamais été question dans cet hôtel. Soyons clairs, de nombreuses chambres d’une partie du bâtiment présentent le visage d’un Appart-Hotel fané par le temps et d’autres ont une superficie et un équipement dignes des plus rudimentaires chambres de bonne des greniers d’autrefois. Avec le recul, je réalise ne devoir qu’à l’inaltérable bonne humeur du groupe et à la recherche fébrile de solutions pour le plus grand nombre possible de victimes de ne pas avoir été pendu haut et court ou plutôt brûlé vif sur la place Jeanne d’Arc de Chinon. Dont acte, cet établissement est à éviter, du moins tant que sa rénovation (en cours selon les propriétaires) n’est pas achevée. Tout au plus puis-je conseiller les chambres de la maison bourgeoise du 19ème siècle mais elles sont peu nombreuses.

Au Chapeau Rouge

Restaurant Au Chapeau Rouge - Chinon
Restaurant Au Chapeau Rouge – Chinon

Décidés à faire fi de l’adversité, nous quittons en soirée et sans regrets nos chambres pour nous rendre à une adresse gourmande située au pied de l’impressionnante Forteresse Royale de Chinon : le restaurant « Au Chapeau Rouge », qui mettra du baume liquide et solide sur nos plaies.

Christophe Duguins - restaurant Au Chapeau Rouge à Chinon
Christophe Duguin – Au Chapeau Rouge – Chinon – © Quitou.com

La gastronomie tourangelle de Christophe Duguin et la gentillesse du service font honneur à la cité.

Les sourires apparaissent dès l’apéritif, excepté chez l’organisateur, qui éprouve les plus grandes peines à évacuer la désagréable amertume laissée par le coup du sort hôtelier dont il a été victime. Mes voisins font preuve de patience et empathie, ce qui m’apaise progressivement. La qualité du travail de l’assiette l’emportera finalement, la bande passionnée n’hésitant pas à s’enquérir de la possibilité de commander pour le lendemain matin plus de dix caisses du chinon blanc dégusté avec le filet de poisson « sauvage du bassin de Loire » grillé (en l’occurrence du mulet), émulsion au beurre rouge, de cuisson parfaite. S’ajoutant à notre plaisir, l’information que ce poisson avait été pêché par Romain Gadais, pêcheur professionnel en Loire, avec qui nous avons rendez-vous le lendemain pour une balade en gabarre sur le fleuve. Ce savoureux poisson fluvial succédait au « Pressé de ris d’agneau et foie gras de canard à la pomme tapée de Rivarennes, confite au coteaux du Layon ». De l’apéritif au café, une impression globale d’amabilité, de professionnalisme, de sincérité dans cuisine et surtout, de maîtrise, compte tenu de la taille du groupe. Nous avons aimé.

menu du restaurant Au Chapeau rouge à chinon
© Quitou.com

La première journée paraît traditionnellement plus longue que les autres. C’est sans demander leur reste que les troupes se replient dans leur bivouac, heureusement calme et préservé de l’agitation des quelques bars de la ville. Fatigués ? Tous ? On aurait pu le croire… Deux d’entre eux avoueront le lendemain matin avoir effectué une randonnée nocturne complice chargée de sens, sous le ton de confidences murmurées dans les ruelles moyenâgeuses de la cité. Une sorte de retour vers le futur susceptible d’éclairer la suite de leur parcours.

Sur la Loire, le matin du deuxième jour

alexis fouché, marinier de loire
Alexis Fouché © Quitou.com

Réveillé à l’aube pour ne surtout pas manquer l’opportunité de discuter sans détours avec la direction de l’hôtel, il me tarde, ce moment négocié, de retrouver le fleuve.

La dernière fois que je m’y suis fondu, c’était avec des amis, deux quilles, l’une baptisée « La Pierre Plantée » de Patricia et Luc Bettoni du domaine Les Eminades à Saint-Chinian, quille qui n’a pas fait long feu et l’autre dénommée « Illuminations » de Laurent Herlin, qui n’a pas davantage résisté. Sous un ciel brumeux qui rend aussi la Loire si énigmatique et belle, mais tellement différemment, un moment rare. Oui, il est temps que je retourne sur l’eau et sente ce que cette fois elle me raconte.

Bien avant l’apparition des moyens de transports modernes, la Loire était une véritable autoroute fluviale. Marchandises et personnes s’agglutinaient sur des centaines d’embarcations à une époque où déjà, la navigation exigeait une expérience et un savoir-faire bien ancrés. Toues, fûtreaux, gabarres, tous ces bateaux traditionnels assuraient aussi la prospérité commerciale de nombreuses familles. A cette époque, les petits ports se multiplient le long des berges qui grouillent d’activité. Le fleuve-roi y est terriblement vivant, plus que jamais.

romain gadais - pêcheries les ligériennes
Romain Gadais – © Quitou.com

9.30 h.Nous avons rendez-vous au pied du pont de Langeais avec Alexis Fouché, « pirate et marinier de Loire », insatiable raconteur, fondateur en 2007 de l’Association Endremage, dont le but est de rassembler les passionnés du fleuve souhaitant promouvoir la navigation à l’ancienne, respectueuse du biotope local.

Son complice du jour est Romain Gadais, pêcheur professionnel sur la Loire et par corollaire fournisseur des belles tables de Chinon. Nous avons pu vérifier son habileté la veille, au Chapeau Rouge.

Pour cette balade, le fleuve nous la joue cette fois en séducteur. Le soleil irradie la vallée, titillé par quelques nuages cotonneux épars. La lumière, irisante et splendide, nargue déjà les coins plus reculés, fait et défait les ombres au gré de son avancement, inonde les berges et irradie une eau par endroits cristalline. La brise est là, caressante ; elle achève de réveiller doucement les engourdis. Dans cet environnement préservé, où ont trouvé refuge tant d’espèces animales et végétales, un pressentiment… celui qu’un joli moment vient à notre rencontre.

Bateaux traditionnels sur la Loire
Bateaux traditionnels sur la Loire – © Quitou.com

Répartition de la troupe en deux groupes, embarquement sur les bateaux traditionnels puis glissement progressif à l’écart des berges. Honnêtement, on ne sait où regarder tant le spectacle est à la fois apaisant et flamboyant. Alexis est intarissable. Il connaît les pièges que le cours sauvage du fleuve présente, l’étroitesse du chenal navigable sinueux, l’absence de profondeur pouvant surgir à chaque instant, les îles et grèves, sables mouvants et courants parfois tourbillonnants. Il maîtrise aussi l’histoire du fleuve et de sa navigation et ne se prive pas de nous retracer les grandes lignes.

balade en gabarre sur la loire
© Quitou.com

Nous nous laissons bercer par le clapotis de l’eau et le son de sa voix. Pendant ce temps, je suis discrètement informé par un complice d’une activité fébrile dans les vignes, pas très loin de là, dont les auteurs sont trois amis, réunis pour nous préparer le plus bel accueil dans le vignoble de Saint-Nicolas-de-Bourgueil.

Fumoir à poissons de Romain Gadais, pêcheur professionnel en Loire
Fumoir à poissons – © Quitou.com

Avant de nous rendre à ce deuxième rendez-vous vigneron, un petit détour par Bréhémont, village d’accueil des Pêcheries Ligériennes de Romain Gadais, là également où il s’exerce à fumer artisanalement une partie du poisson pris dans ses nasses et filets.

Pêcheur professionnel sur Loire, il fallait l’oser, il s’est jeté à l’eau, avec tous les risques que ce choix comprend. Respect donc pour ce jeune homme certes timide mais avant tout passionné, dont on réalise rapidement qu’il ne se sent vraiment bien que sur l’eau ou dans le petit atelier où il réalise ses fumages et autres rillettes ou feuilletés de poissons.

Deuxième rencontre vigneronne à l’horizon

Nous prenons congé en fin de matinée et réinvestissons le wine-car tout en informant ses amortisseurs que leur vie de cocagne est en voie d’achèvement. En route pour retrouver des vignerons amis extrêmement attachants par bien des points de vue, réunis pour l’occasion et le plaisir de tous, Xavier Amirault du Clos des Quarterons et son compère de Chouzé-sur-Loire, Laurent Herlin du domaine éponyme. De sacrés gaillards, je vous l’assure, la suite des évènements le confirmera sans conteste possible.

Maintenant, vite chez Xavier, où nous retrouverons également Laurent et Franck, complices dans la préparation de notre venue.

Q.

  • Pour en savoir plus sur le travail de Laurent Herlin, c’est par ici
  • Pour mieux connaître Xavier et Thierry Amirault, c’est par là

bourgueil Illuminations de Laurent Herlin

Clos des Quarterons - Thierry et Xavier Amirault - St-Nicolas-de-Bourgueil


2 réponses à “Vagabondages ligériens entre amis (3)”

  1. On attend la suite du feuilleton avec impatience !! C’est si agréable à lire, qu’il me tarde de retrouver la suite de vos pérégrinations vineuses !!

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